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Bouddhisme au féminin - Partageons nos aspirations, nos questionnements, nos compréhensions

 

 

Projet pour un lieu de retraite pour nonnes âgées

par Joshin Sensei


Pour les nonnes, vivre dans un temple est un choix, et une joie, mais lorsque l'on vieillit, les problèmes d'âge, de santé peuvent rendre cela difficile. Il est plus fatiguant de suivre un horaire, des méditations, de travailler pour la communauté. Si l'on tombe malade on peut se sentir être une charge, gênant la pratique des autres...etc. Mais peu de nonnes ont d'autres possibilités, n'ayant pas de famille, et souvent de faibles moyens financiers.

Il y a une dizaine d'années, j'ai essayé de mettre en place un projet de maison de retraite pour nonnes âgées. A la suite d'un article dans un magazine bouddhiste, beaucoup de lettres d'encouragements sont arrivées, mais tout s'est arrêté là. Je crois que la principale raison en est que ce n'est pas un projet que l'on peut mener seule, sans le soutien d'une communauté de nonnes, et l'aide financière de bienfaiteurs.
Néanmoins, ce premier essai m'a obligé à dépasser le stade de l'idée intéressante pour envisager les moyens concrets et réalistes à mettre en œuvre pour que ce projet puisse aboutir.

J'ai résumé ci-dessous les questions qui me semble-t-il, se posent en premier, et ci-après un certain nombre de réponses possibles.

A qui s'adresse ce projet ? Seulement des nonnes, ou également des pratiquantes laïques ?
Des couples ? Combien de personnes en tout ?

Pourquoi en France ?

Quel type d'organisation, d'association ?

Quel type d'habitation ? Quelle part collective, et quelle part privée ?
Les règles et l'horaire.

Comment établir de bonnes relations avec les villages/villes proches

Besoins médicaux : dans la structure et à l'extérieur. Comment s'assurer que tous les soins seront disponibles afin que les personnes puissent rester dans ce lieu jusqu'à la fin, ou sinon du moins le plus longtemps possible.

Et dernier point, le plus important : l'argent. L'argent pour commencer le projet, et les moyens pour être sûrs qu'il pourra se poursuivre. Par ex, pourrait-on vendre des appartements/maisons à des laïcs, ou les louer ?

Je vois deux raisons qui me permettent d'avancer ce projet :
— Il y a 25 ans, à mon retour du Japon, j'ai fondé avec l’aide mon Maître « la Demeure sans Limites », un temple situé dans le centre de la France, en Ardèche. Nous avions très peu de moyens à l'époque. J'ai appris les règles administratives pour les associations religieuses, pour la construction et la réhabilitation de bâtiments, la comptabilité, la façon d'apaiser les tensions dans une communauté, et d'établir de bons rapports avec les voisins et le village. J'ai été une enseignante, une maîtresse de maison, une cuisinière, une jardinière etc! Au fil des ans, le temple s'est développé, même si nous avons fait le choix de garder une petite structure, et nous recevons suffisamment de dons pour tous les besoins nécessaires. Il est maintenant dirigé par ma disciple, Jokei Lambert Sensei.
J'aimerais mettre toute cette expérience au service de ce nouveau projet.

— La seconde raison est basée sur une motivation personnelle : il y a quelques années j'ai souffert d'un cancer, et j'ai été obligée de rester couchée plusieurs semaines. A ce moment-là, entendre les cloches et les bois qui rythment la journée du temple a été un soutien immense, car cela m'a permis de suivre l'horaire habituel du mieux possible – en tout cas dans ma tête ! Ma vie limitée physiquement était reliée à la vie du temple : « Maintenant c'est l'heure de zazen », et j'ai appris à méditer tout en étant allongée ; « Maintenant c'est la période de travail », et j'essayais de faire un peu d'exercices en bougeant les jambes, en étirant le dos...Pendant les heures d'étude, ou de récitation de sutras, je lisais un peu, ou me récitais des textes par cœur...
Ainsi j'ai traversé facilement la maladie, et passé ces journées avec la Sangha. Je ne me suis jamais sentie isolée, même si je voyais peu de gens, et lorsque j'ai été guérie, je n'ai pas eu l'impression d'avoir arrêté ma pratique, ni d'avoir quitté ma vie monastique.

Voilà ce que je voudrais partager avec d'autres nonnes : donner cette possibilité de pratiquer, de poursuivre notre vie monastique jusqu'au dernier moment de notre vie.

Quelques pistes :
A ma connaissance, il n'existe encore aucun lieu pour nonnes âgées, rassemblant différentes nationalités, différentes écoles.
Dans le Zen, nous disons : « Nous prenons soin du Dharma, et le Dharma prend soin de nous. » Prendre soin du Dharma implique aussi de concrétiser nos engagements, de regarder avec un esprit clair les problèmes qui se posent, et les solutions que l'on peut apporter.
Offrir à d'autres nonnes et à des pratiquantes du Dharma la possibilité de vivre dans une Sangha jusqu'au dernier jour, s'entraider et s'accompagner dans cette dernière aventure, voilà le projet que j'aimerais réaliser avec l'aide de toutes les personnes intéressées.

Vous trouverez ici quelques brèves réponses aux premières questions qui se posent pour sa mise en œuvre; je me base sur mon expérience de fondatrice et de Supérieure de temple depuis 25 ans. Bien sûr, ce n'est là qu'une ébauche, à développer ensemble.

Où situer cette communauté ?

Il me semble que la France présente beaucoup d'avantages. Il y a une longue tradition de communautés monastiques, catholiques d'abord, mais les monastères bouddhistes sont de plus en plus nombreux. Le bouddhisme est une religion reconnue par l 'État français. Cela permet d'avoir des lois qui offrent des avantages aux organisations religieuses, au niveau des legs, des dons, des impôts locaux, etc.
De plus, il existe un statut légal dite de « congrégation religieuse », qui apporte une reconnaissance morale, légale et matérielle très intéressante. Voir : <fondationdesmonasteres.org> “Établir une congrégation religieuse.”

La France étant membre de l’UE, aucun visa n'est nécessaire pour les ressortissants de l'UE, et les visas pour les autres nationalités (US notamment) assez faciles à obtenir.

On trouve encore dans plusieurs régions, notamment tout le Massif Central, par ex, des lieux à acheter pour les remettre en état à des prix intéressants.

Enfin, et ce point est spécialement important pour ce projet, la France a un excellent système de soins, tant au niveau hospitalier que local. Depuis quelques années, l'accent est mis sur les réseaux permettant aux personnes nécessitant des soins de rester à leur domicile. Les coûts de ces soins sont peu élevés, et souvent mêmes gratuits pour les ressortissants de l'UE.


Qui serait concerné par ce projet ?

Est-ce que ce serait seulement des nonnes, ou bien aussi des pratiquants et/ou pratiquantes laïques ? Je pense qu'on ne peut pas répondre à cette question sans aborder la question du financement du projet. Les nonnes n'ont généralement pas les moyens de vivre par elles mêmes : pourrait-on alors envisager une complémentarité, les personnes laïques habitant sur place et subvenant aux besoins des nonnes, en tout cas leur logement, leur nourriture, et le cas échéant les médecines, suivant en cela la tradition bouddhiste.

Financer l'achat du lieu est bien sûr une priorité.

Un de mes étudiants est chef de projet d'une société internationale. Son travail consiste à trouver les fonds, tant publics que privés, pour des projets immobiliers. Il est prêt à nous aider dans ce projet, mettant à notre disposition son expérience et ses connaissances. Selon lui, en plus des fonds privés recueillis auprès de donateurs bouddhistes, il pourrait être possible de trouver de l'argent auprès de grands partenaires privés. Depuis quelques années, les projets alternatifs, comme les logements intergénérationnels, ou communautaires comme les béguinages, se développent de plus en plus.
Nous sommes actuellement en train de mettre sur pied une ébauche de financement pour mieux définir les possibilités.

Ce sera naturellement le montant des fonds obtenus qui nous guidera dans les choix de la structure : le type de bâtiment et la taille des lieux, la région, la décision d'acheter ou de louer, l'importance des travaux de rénovation, etc.

Enfin, un certain nombre d'autres points doivent être considérés et débattus par toutes les personnes désireuses de participer à ce projet :
Il me semble par exemple que quel que soit le type de bâtiment, nous avons besoin à la fois d'espaces personnels et d'espaces collectifs comme une salle de méditation, une bibliothèque, un réfectoire, afin que les résidentes puissent se retrouver, pratiquer ensemble et construire une vraie Sangha.

Il serait intéressant que d'autres personnes plus jeunes viennent se joindre à nous. Ce pourrait être pour elles un moment de pratique de vie monastique au cours de laquelle elles recevraient des enseignements en échange de tâches comme cuisine, jardinage, etc. Il faudrait alors trouver un cadre légal pour leurs activités.

Établir de bonnes relations avec le voisinage est un point important lorsqu'on vit dans des petites villes ou des villages : cela implique d'ouvrir les lieux aux personnes extérieures ( méditation, enseignements), organiser des événements, faire ses courses dans les localités proches...Tout ceci permettant d'être acceptées et d'éviter le ressentiment contre « ces drôles d'étrangères » installées à côté de chez eux... !

La gestion de la structure

Comme il est d'usage dans les monastères, un « Board » « Conseil » composé de membres bienfaiteurs et de résidentes déciderait du règlement interne ( par ex âge minimum pour être reçu, nombre de mois minimum passés dans la communauté, visites des familles, etc) Tous ces points demandent à être examinés et décidés, afin que tout soit clair dès le départ et que les relations entre les personnes en soient facilitées.

Allons-nous essayer ? Allons-nous construire une « nouvelle »Sangha au-delà des limites des Écoles afin de vivre harmonieusement et de prendre soin les unes des autres ?
Saurons-nous dépasser nos pratiques afin de retrouver le cœur des enseignements du Bouddha : sagesse partagée à travers la compassion en actes ?
Joshin Luce Bachoux, Bouddhisme Soto Zen

Pour votre soutien, vos commentaires, vos suggestions, contacter Joshin Sensei à la Demeure sans limite

 

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